Héritier du non-sens

«La terre où nous vivons n’est pas un don de nos ancêtres, ce sont nos enfants qui nous la prêtent».

Cette affirmation d’une implacable logique tirée du bon sens indigène d’Amérique du Nord, n’a que trop souvent pour effet, de provoquer un regard complice, compréhensif, admiratif et entendu, entre deux nouveaux croyants de la philosophie New Age. Or, la véritable force de cette déclaration, réside tout d’abord dans le fait qu’elle résume à elle seule l’exact contraire de l’idéologie en vigueur, que définit si bien la maxime capitaliste de la fin du 19ème : « Richesses, gains, tout pour nous, rien pour les autres ».

Deuxièmement, de par la vision Amérindienne d’un Espace-Temps combiné qui se traduit ici par un « prêt » dans le présent consenti par nos futurs pairs, nous pouvons voir dans cet espace que l’avenir de cette terre n’est qu’un enchaînement de « présents », dans le sens temporel du terme. La constatation est donc sans appel. Le futur ne peut être viable, qu’en envisageant l’annulation de ce mariage arrangé entre la croyance et l’espoir, pour une union saine et logique entre la pensée et l’action.

Mais revenons à cette maxime de la fin du 19ème siècle, chère à l’élite économique, et qui fut tellement pensée fort, qu’elle en devint un vrai slogan.

Qui sont donc aujourd’hui ces « autres », dont il ne faudrait pas se soucier ? Et bien comme l’illustre si bien cette citation Amérindienne, ces « Autres », sont simplement nos enfants, ce « tout pour nous », c’est notre présent, ce « rien pour les autres », c’est leur avenir…

Alors, à ce point-là de mon discours, et si je voulais faire plaisir à « un intello gauchiste » de base, je devrais tout d’abord m’excuser de faire dans l’émotionnel, pour ensuite, par un effet littéraire, élitiste de par le verbe mais médiocre en contenu, trouver la formule adéquate qui me rangerait du côté des « gentils », sans pour autant contrarier le rot « post gavage » de cet activiste subventionné. Et pourtant, le fait est que cet émotionnel, c’est l’émotionnel de la vie, c’est l’émotionnel du vivant, c’est l’émotionnel du réel. Alors voyons les choses comme elles sont. Si, l’espace de quelques minutes nous voulons flirter avec ce réel, commençons par regarder nos enfants dans les yeux, et disons-nous que ce que nous sommes en train d’accepter, de plébisciter, et de prononcer nous-mêmes, c’est leur condamnation sans procès. Le motif ? Simplement pour l’illusoire et sereine pérennité de notre consommation frénétique, écœurante et grotesque, et pour tout ce qui a été décidé, validé et imposé par les « grandes personnes responsables » comme étant essentiel à notre bonheur, bien-être, mieux-être, ou même mieux , comme essentiel à notre réalisation et à l’affirmation de nous-même dans un « ici », mais surtout dans un « maintenant ». Mais, toute chose à un prix, et toute cause une conséquence.

Au temps des grandes conquêtes et des colonies, ce fût bien sûr tout d’abord l’esprit du colon qui dut être formaté, et donc « colonisé » par le biais d’une caution philosophique ou religieuse qui lui donnait non seulement le droit, mais le devoir de réduire à néant toute réticence à l’idéologie en vigueur, et bien sûr, de prendre possession des terres et territoires, jusqu’alors peuplés par de malheureux bougres s’étant trouvés être dans « l’erreur ». La contrepartie pour la réalisation de ce destin Divin, comprenait bien sûr les privilèges inhérents aux peuples ayant été frappés par l’éclair révélateur de l’un des vrais Dieux.

Durant cette période, la planète terre, fruit d’un miracle cosmique de plus de 4 milliards d’années, devint la propriété de bipèdes, d’une espérance de vie de quelques décades…c’est alors que le monde fut entièrement « consommé » par l’un ou l’autre de ces peuples, dont la puissance du message Divin était souvent proportionnelle à l’armement employé. Or, force est de constater que le moteur qui animait cette sorte d’homme, ne comprenait et ne comprend toujours pas de régulateur de vitesse, ni de système de freinage. Ce véhicule dément, qui a vu le jour dans l’ancien monde et l’a entièrement « consommé », s’est attaqué depuis bientôt un siècle, à la « consumation » de ce dernier. L’idéologie actuelle, quel que soit le nom qu’on lui donne, fonctionne de la même manière. Ce qui opposait alors les chrétiens aux païens, les musulmans aux mécréants, les civilisés aux primitifs, oppose maintenant l’Elite aux bêtes de sommes… Les privilèges accordés à ceux qui participent actuellement à cette sur exploitation – c’est-à-dire presque tout le monde - ne sont bien sûr plus exactement les mêmes que ceux capitalisés par les représentants des peuples issus du vrai Dieu à l’époque (quoique). Ils comprennent en général, la possibilité plus ou moins grande et plus ou moins fréquente d’assouvir un “désir”. Souvent réalisés par « l’acquisition de quelque chose », cet acte, qui produit l’effet psychotrope nécessaire à l’acceptation du quotidien, vient combler de manière temporaire et jamais satisfaisante, l’immense vide spirituel causé par le règne de l’absurde. Il y a cependant une grande et dramatique différence entre l’époque de la consommation et celle de la consummation. A l’époque des conquêtes, le peuple primitif opposant une résistance était rapidement ramené à la raison par le biais du canon, ou par des moyens corruptifs. Aujourd’hui, quand la contrattaque de la victime se traduit par un réchauffement climatique condamnant des territoires peuplés de millions de gens à être inondés, par une pollution catastrophique de l’air, par un empoisonnement des nappes phréatiques, par la disparition de milliers d’espèces animales et par toutes sortes d’effets secondaires et dramatiques pour l’humain, provoqués par les pesticides, je ne vois pas par quel biais, le canon et le dollar assureraient la sécurité de l’avenir de notre descendance, ou comme dit l’autre, « de la suite du monde ».

Alors, en ce qui concerne cet « autre », ou plutôt notre descendant, quelle est donc la sentence à laquelle nous le condamnons d’office ? Eh bien par lâcheté, ignorance et désintérêt, nous condamnons ce futur « nous », à être nourri par Monsanto/Bayer et consorts, à être guéri par Monsanto/Bayer et consorts, à être usiné par Monsanto/Bayer et consorts, de manière à être toujours utile, utilisé, et utilisable par Monsanto/Bayer et consorts. Si bien qu’en observant la vie de ce futur « nous » en accéléré, un observateur cosmique aura tôt fait de conclure, en donnant la priorité aux actions les plus répétées, que de la table à la couche et de la couche à la selle, cet être vivant n’a d’autre but que de transformer de la nourriture en merde, en étant entre temps divertit, par Monsanto/Bayer et consorts. Et pour rester dans le grotesque, pensez-vous que ce genre de conglomérat et leurs VIP politiques, « les grandes personnes responsables », en aient quelque chose à faire que les enfants qu’ils usinent soient issus de droite ou de gauche ? Athées, Juifs, Musulmans ou Chrétiens ? Soient Autochtones ou Allochtones ? Soient Hétéros, Bis, ou frigides ? Vous avez déjà la réponse.

Alors à la vue de notre société aujourd’hui, et en étant forcé de constater que la tiédeur du médiocre a quelque chose de rassurant, en guise de premier mouvement de ce curseur vers le glacial ou le brûlant, ne serait-il pas judicieux d’admettre même du bout des lèvres, que ce cauchemar annoncé, cet avènement de l’ignoble, concerne le grand mélange de ces 99% de ceux qui ne décident rien, ces 99% de ceux qui subissent La Loi, ces mêmes 99% de ceux qui ont abandonné toute forme de contre pouvoir, et donc de responsabilité. N’y a-t-il pas pourtant, une loi qui considère comme quasiment criminel, la non assistance à personne en danger ? Mais comment qualifier alors ce comportement pathétique quand il concerne nos descendants ?

Comme le dit le physicien philosophe français, Etienne Klein, « Les gens se fabriquent un processus mental qui les empêche de croire ce qu’ils savent déjà…’

Le pire, c’est qu’il y a certains moments où il ne faudrait pas grand-chose pour que la lumière se fasse. Pour ma part, je préfère être maladivement optimiste, et faire tout ce que je peux pour que jamais ma descendance ne m’interpelle en me disant : « Je voudrais connaître le vert, je voudrais connaître le bleu, je voudrais connaître le beau et le bon à la fois. Mais je suis mort avant de vivre. Tu as tronqué mon avenir pour quelques plaisirs immédiats. Tu as opté pour l’ignorance, cette formidable caution, du « responsable mais pas coupable ». Pourtant il eût été facile en faisant face à l’évidence, d’imaginer la transition de ton opulence à mon manque. Mais encore aurait-il fallu, que l’empathie à mon égard, fasse autant preuve d’autorité, que les injonctions du désir. Mais aussi aurait-il fallu, que ton obéissance au pouvoir, soit autant sujette à caution, que la valeur de leurs promesses. Alors il me reste à survivre, dans tes restes de turpitudes, estampillés par l’éternel, « on a fait qu’obéir aux ordres ». C’est donc en enfant des toxines, que je commence mon voyage, c’est en héritier du non-sens, que je débute mon tour de garde. La terre où je me tiens, n’est pas un don que tu m’as fait, ce sont mes enfants qui me la prêtent ».